Il y a aujourd’hui un « moment design » qui place le terme au coeur de nos expériences, personnelles comme professionnelles.
Loin de se réduire au design décoratif, au mobilier et à la décoration intérieure, à quelques designers médiatiques, le design constitue la trame même de nos vies.
Le design s’écrit au pluriel de ses métiers et de ses spécialisations: design de produits, graphique, de packaging, d’environnement, d’interfaces, de services…
Les objets et les produits dont nous avons l’usage au quotidien, les moyens de transport que nous utilisons mais aussi nos interfaces numériques, la signalétique, l’aménagement des espaces, les sons … tout est « designé ».
Autrement dit, tout est le fruit d’une création appliquée qui imprime à son objet (produit ou service) de la fonctionnalité, des éléments d’usages, des partis pris esthétiques, de la valeur économique, des caractéristiques éthiques, des exigences écologiques…
Le designer est ainsi ce metteur en scène qui communique aux objets de notre expérience un langage, du sens et de la sensorialité.
A l’exact croisement des contraintes de tous ordres (d’abord techniques et économiques) et de l’acte créatif, le designer rend toute chose communicante.
Cette création appliquée répond depuis longtemps à des processus rigoureux de conception et de production qui font du design un travail d’équipe, par définition ouvert aux usages, à l’utilisateur et aux différents régimes de la réception.
Parce que le désigner n’a jamais correspondu au mythe de l’artiste, à la toute puissance de la création souveraine imposant la subjectivité d’un émetteur à des récepteurs, le design a écrit à l’avance le présent de notre révolution communicante.
Il a été le lieu et la discipline d’incubation des connexions, des interactivités et de l’horizontalité. Son omniprésence n’est donc pas un effet de mode. Elle signifie plutôt qu’il est enfin rejoint par l’époque qui le place naturellement en son coeur.
Nul hasard donc à ce que la pointe contemporaine du design se concentre sur l’expérience d’usage et sur l’exigence croissante de fluidification. Nos smartphones sont de moins en moins des objets, des produits et des contenants, même désignés, que des écrans et des interfaces nous mettant en relation avec des contenus et des services. Personnalisable et participatif, le design porte autant dans ses processus que dans ses réalisations, les nouveaux paradigmes de l’affirmation individuelle et de la coconstrution collective.
De même, l’avènement du design de services marque l’attention désormais prépondérante accordée aux rapports d’usage, aux interactions qui se tissent entre l’individu et le(s) service(s) rendu(s) par un objet devenu média. Le designer met ainsi en scène l’écosystème à travers lequel le service se déploie dans un véritable parcours et à travers des scénarios d’usage. Nos bornes SNCF, notre velib, notre distributeur de billets constituent autant de terrain de jeux mêlant les incarnations matérielles et immatérielles.
L’affranchissement de l’objet et du produit a aussi ouvert le design aux marques et à leur territoires. Plus que jamais producteur de signes et de sens, le design a investi l’image de marque dont il révèle autant qu’il crée l’identification, les contenus d’affirmation et de distinction.
Mais la logique ici est bien intégrative: produits et marque, marketing et corporate ne s’opposent plus. L’approche design, celle du design global, permet au contraire de développer un régime organique riche de ses résonances et de ses hybridations.
Ce régime a toute légitimité à s’étendre à l’influence, à ses stratégies comme à ses dispositifs.
En effet, l’interconnexion des publics, l’horizontalité des conversations, l’importance de l’engagement désormais librement consenti, la recherche des bénéfices d’usage et la valorisation de l’utilité sociale, s’imposent désormais aux entreprises et aux organisations dans leurs relations avec leurs publics.
Le design de l’influence ne signifie alors rien d’autre que cette pleine reconnaissance de la communauté des « autres » et son intégration en amont des processus de conception et de réalisation des stratégies d’influence.
Appliqué au lobbying, refondé à la lumière des affaires publiques et des relations publics, le design de l’influence suppose ainsi :
– La gestion active de l’image, des opinions et de la réputation auprès de l’ensemble des acteurs publics et des acteurs connectés.
– La revalorisation de l’intérêt privé à travers la collaboration avec « les communaux » afin d’accroître la réputation sociale et le capital social de l’entreprise ou de l’organisation.
– La légitimation des intérêts professionnels à travers leur capacité à converger avec l’intérêt général.
Produits, marque et relations aux publics doivent désormais être intégrés dans une logique de design global. Leur assurant à la fois l’efficacité d’une cohérence organique et la richesse d’incarnations multiples.
Parce qu’il n’est rien d’autre que l’oracle des temps présents, l’esprit design devient alors le meilleur des catalyseur générant attractivité et notoriété, préférence et engagement.