Influences du design et design de l’influence

Logo de l'exposition "Design Power"

Il y a aujourd’hui un « moment design » qui place le terme au coeur de nos expériences, personnelles comme professionnelles.
Loin de se réduire au design décoratif, au mobilier et à la décoration intérieure,  à quelques designers médiatiques, le design constitue la trame même de nos vies.

Le design s’écrit au pluriel de ses métiers et de ses spécialisations: design de produits, graphique, de packaging, d’environnement, d’interfaces, de services…

Les objets et les produits dont nous avons l’usage au quotidien, les moyens de transport que nous utilisons mais aussi nos interfaces numériques, la signalétique, l’aménagement des espaces, les sons … tout est « designé ».

Autrement dit, tout est le fruit d’une création appliquée qui imprime à son objet (produit ou service) de la fonctionnalité, des  éléments d’usages, des partis pris esthétiques, de la valeur économique, des caractéristiques éthiques, des exigences écologiques…

Le designer est ainsi ce metteur en scène qui communique aux objets de notre expérience un langage, du sens et de la sensorialité.
A l’exact croisement des contraintes de tous ordres (d’abord techniques et économiques) et de l’acte créatif, le designer rend toute chose communicante.

Cette création appliquée répond depuis longtemps à des processus rigoureux de conception et de production qui font du design un travail d’équipe, par définition ouvert aux usages, à l’utilisateur et aux différents régimes de la réception.

Parce que le désigner n’a jamais correspondu au mythe de l’artiste, à la toute puissance de la création souveraine imposant la subjectivité d’un émetteur à des récepteurs, le design a écrit à l’avance le présent de notre révolution communicante.

Il a été le lieu et la discipline d’incubation des connexions, des interactivités et de l’horizontalité. Son omniprésence n’est donc pas un effet de mode. Elle signifie plutôt qu’il est enfin rejoint par l’époque qui le place naturellement en son coeur.

Nul hasard donc à ce que la pointe contemporaine du design se concentre sur l’expérience d’usage et sur l’exigence croissante de fluidification. Nos smartphones sont de moins en moins des objets, des produits et des contenants, même désignés, que des écrans et des interfaces nous mettant en relation avec des contenus et des services. Personnalisable et participatif, le design porte autant dans ses processus que dans ses réalisations, les nouveaux paradigmes de l’affirmation individuelle et de la coconstrution collective.

De même, l’avènement du design de services marque l’attention désormais prépondérante accordée aux rapports d’usage, aux interactions qui se tissent entre l’individu et le(s) service(s) rendu(s) par un objet devenu média. Le designer met ainsi en scène l’écosystème à travers lequel le service se déploie dans un véritable parcours et à travers des scénarios d’usage. Nos bornes SNCF, notre velib, notre distributeur de billets constituent autant de terrain de jeux mêlant les incarnations matérielles et immatérielles.

L’affranchissement de l’objet et du produit a aussi ouvert le design aux marques et à leur territoires. Plus que jamais producteur de signes et de sens, le design a investi l’image de marque dont il révèle autant qu’il crée l’identification, les contenus d’affirmation et de distinction.

Mais la logique ici est bien intégrative: produits et marque, marketing et corporate ne s’opposent plus. L’approche design, celle du design global, permet au contraire de développer un régime organique riche de ses résonances et de ses hybridations.

Ce régime a toute légitimité à s’étendre à l’influence, à ses stratégies comme à ses dispositifs.

En effet, l’interconnexion des publics, l’horizontalité des conversations, l’importance de l’engagement désormais librement consenti, la recherche des bénéfices d’usage et la valorisation de l’utilité sociale, s’imposent désormais aux entreprises et aux organisations dans leurs relations avec leurs publics.

Le design de l’influence ne signifie alors rien d’autre que cette pleine reconnaissance de la communauté des « autres » et son intégration en amont des processus de conception et de réalisation des stratégies d’influence.

Appliqué au lobbying, refondé à la lumière des affaires publiques et des relations publics, le design de l’influence suppose ainsi :

– La gestion active de l’image, des opinions et de la réputation auprès de l’ensemble des acteurs publics et des acteurs connectés.

– La revalorisation de l’intérêt privé à travers la collaboration avec « les communaux » afin d’accroître la réputation sociale et le capital social de l’entreprise ou de l’organisation.

– La légitimation des intérêts professionnels à travers leur capacité à converger avec l’intérêt général.

Produits, marque et relations aux publics doivent désormais  être intégrés dans une logique de design global. Leur assurant à la fois l’efficacité d’une cohérence organique et la richesse d’incarnations multiples.

Parce qu’il n’est rien d’autre que l’oracle des temps présents, l’esprit design devient alors le meilleur des catalyseur générant attractivité et notoriété, préférence et engagement.

Apple / FBI : une bataille pour la souveraineté numérique ?

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Le conflit qui oppose Apple au FBI, par ses enjeux et son ampleur polémique, a pris la dimension d’un débat juridique, politique et éthique. Ce débat dépasse désormais ses premiers protagonistes, le gouvernement américain et la société Apple. Il oppose, plus généralement, les acteurs étatiques, détenteurs du pouvoir régalien,  aux entreprises du net, acteurs économiques et sociaux revendiquant leur liberté et leur capacité à protéger et garantir les libertés individuelles de leurs utilisateurs. A travers ce débat, se pose la question du type de souveraineté qui peut légitimement s’appliquer aux données personnelles, qu’elles soient hébergées sur des plateformes ou stockées dans des devices numériques.

Le conflit est né de l’enquête menée par les autorités américaines suite à l’attaque terroriste de San Berdino en décembre 2015. Un couple, d’origine pakistanaise, avait alors attaqué un centre social en tuant quatorze personnes et en blessant vingt et une autres. Les meurtriers avaient déclaré agir au nom de Daech.

Au cours de l’enquête, L’Iphone 5C  de Syed Rizwan Farook a été retrouvé. Le FBI, relayé par une première décision de justice du 16 février 2016, a demandé à Apple de lui fournir un logiciel permettant de déverrouiller le téléphone sans risque d’effacer les données qu’il contient.

Les outils de cryptage et de chiffrement ont été largement développés par les acteurs du net et du numérique suite à la révélation, en 2013, de la surveillance massive exercée par la NSA sur les communications et les données personnelles des individus. Le refus d’Apple d’obtempérer s’inscrit donc dans cette continuité d’une opposition à la surveillance généralisée exercée par un Etat au nom des impératifs de la sécurité collective.

Apple a choisi de contre attaquer publiquement en diffusant en ligne un position paper puis un Q&A.

Dans son argumentaire, Apple souligne qu’en affaiblissant ses outils de protection il ferait courir un risque à ses utilisateurs et menacerait la sécurité de leurs données et,
par extension, de leur personne. Apple réitère, par ailleurs, son opposition à l’installation
de « backdoor » donnant tout pouvoir de contrôle et de surveillance à l’Etat. La société considère aussi qu’obéir à une telle décision reviendrait à créer un « dangereux précédent » à travers lequel l’Etat serait fondé à contraindre un acteur privé à développer tout outil de surveillance présenté comme nécessaire.

Le refus d’Apple, et son choix d’en communiquer publiquement les raisons, a engendré un débat  de société qui, depuis, ne cesse de rebondir.

Les GAFA et les acteurs de l’industrie numérique sont montés au créneau pour soutenir Apple. Mark Zuckerberg, le président-directeur général de Facebook, et Jan Koum, fondateur de l’application de messagerie WhatsApp, se sont ainsi exprimés en faveur de la firme de Cupertino.

Plus de vingt entreprises de la Silicon Valley sont entrées dans la bataille judiciaire en déposant, le 3 mars, un « amicus brief » (« mémoire d’intervenant désintéressé »). Amazon, Yahoo, Facebook, Google, Microsoft et Snapchat, ont à leur tour rappelé que « la demande adressée à Apple par le gouvernement outrepasse les lois existantes
et pourrait, si elle était étendue, porter atteinte à la sécurité des Américains sur le long terme ».

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La blockchain : Bien au-delà de l’ubérisation ?

La technologie blockchain est le support de la monnaie numérique « Bitcoin ». Le Bitcoin n’est pas simplement une monnaie parmi d’autres : elle repose sur un système de transactions qui se caractérise par l’absence d’un tiers de confiance extérieur aux acteurs de l’échange.

Dans l’univers de Bitcoin, il n’y a donc pas de banque venant garantir et certifier la véracité des échanges effectués. Grâce à la blockchain, chaque utilisateur de la monnaie, via l’échange informatisé, est partie prenante du contrôle des données communiquées.  Il se crée ainsi une base de données décentralisée, interactive, qui permet à chaque « bitcoin » et à chaque transaction d’être traçable et ainsi vérifiable.

Or l’usage de cette blockchain ne se réduit pas au Bitcoin.

La blockchain (ou chaîne de blocs en français) est aujourd’hui présentée comme une évolution technologique majeure dont les effets sur nos modes de relation et d’activité seraient aussi considérables que ceux générés par le déploiement d’internet.

Startups et investisseurs se déploient afin d’inventer les nouveaux usages issus de cette rupture technologique.

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Le blockchain est à la fois un protocole de transmission d’informations et une base de données partagée entre ses utilisateurs. Parce qu’elle est distribuée entre tous, cette base de données offre le plus haut niveau de sécurité en faisant « l’économie » de tout tiers extérieur.

Le mathématicien Jean-Paul Delahaye compare, dans un article éclairant, la blockchain à un grand livre comptable public, anonyme et infalsifiable.

Concrètement, tous les processus qui impliquent un partage de données, un échange authentifiable et vérifiable (donc effectué en confiance), pourront être effectués via une blockchain.

Il s’agit donc bien d’une évolution majeure qui prolonge la logique de désintermédiation et va potentiellement bien au-delà de l’ubérisation si souvent évoquée.

Les échanges financiers sont bien sûr les premiers à être impactés. Non seulement via l’existence des crypto-monnaies mais aussi parce que la désintermédiation financière permet de réduire les coûts de paiement et de transaction. Les banques traditionnelles comme les startups de la fintech travaillent à développer toutes les opportunités économiques de cette nouvelle technologie.

A titre de simples exemples, la blockchain pourra permettre de certifier collectivement tant les diplômes, que les titres de propriétés (cf. le service Bitproof)  ou encore attester de la propriété intellectuelle via la gestion des brevets.

En matière de santé, la gestion d’un dossier médical partagé pourra être facilitée en donnant notamment au patient la maîtrise de ses données et en les enrichissant de ceux apportés par la communauté.

Les réseaux sociaux eux-mêmes ne seraient plus nécessairement gérés par des tiers exploitant les données de leurs utilisateurs.

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Ainsi, Synreo se présente comme le premier réseau social utilisant la blockchain et se fondant sur l’économie de l’attention.

La blockchain sera également au cœur de l’internet des objets en structurant leurs interactions sans présence d’intermédiaires. IBM et Samsung ont ainsi créé « the Autonomous Decentralized Peer-to-Peer Telemetry ». Démonstration en live ici.

On peut aussi évoquer la gestion du vote électronique dont la certification collective et décentralisée ouvrirait la voie à de nouvelles opportunités et modalités de démocratie participative. La startup FollowMyVote propose ainsi une plateforme de vote en ligne open-source.

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La blockchain parachève la révolution de l’information : elle consacre un régime décentralisé, horizontal, d’interactions permanentes. Mais elle fait aussi naître la confiance, et donc la valeur, d’écosystèmes qui n’intègrent plus de médiations qui leur soient extérieures. En ce sens, la blockchain constitue une révolution culturelle encore plus radicale, que celle engendrée par les réseaux sociaux.

Médias sociaux : un nouveau service public à l’heure du terrorisme ?

Médias sociaux :  un nouveau service public à l’heure du terrorisme ?

 

Les attaques terroristes qui ont frappé Paris le 13 novembre 2015 ont révélé, en matière de communication publique, le poids grandissant et désormais déterminant des réseaux sociaux.

Pas seulement parce que les institutions publiques(1) ou les médias ont largement communiqué par ce biais. Une communication citoyenne, directe, d’intérêt général et de service public s’est déployée simultanément aux événements et s’est prolongée dans les heures qui ont suivi.

Là où les institutions publiques étaient légitimement tenues soit à la confidentialité soit à une communication centralisée et consolidée…

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… les réseaux sociaux délivraient une communication démultipliée, en rhizome et en flux.

Là où les médias géraient la rétention responsable des informations (avec des images provenant d’ailleurs le plus souvent de smartphones), favorisant ainsi la répétition et le commentaire …

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… Les médias sociaux délivraient des informations très  contextualisées, précises et ciblées, qui pouvaient avoir une valeur d’action et une dimension de service.

Ainsi, Facebook a activé, durant la nuit, son service Safety check permettant à ses usagers de se déclarer en sécurité ou déclarer l’un de leurs amis.

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Les usagers géolocalisés sur Paris, ont reçu le message suivant : « Allez-vous bien ? Il semble que vous soyez dans la zone touchée par les attaques terroristes à Paris. Informez vos amis que vous êtes en sécurité ».

Safety check a permis à chaque utilisateur de rassurer tous ses amis et toute sa communauté … en un clic !

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De même, sur Twitter, les fils d’actus organisés via un hashtag ont permis à des communautés de s’auto déployer, en temps réel, autour d’actions de solidarité.

Le hashtag #PorteOuverte a par exemple permis de proposer des lieux permettant aux personnes exposées de s’abriter.

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La naissance de ce hashtag est racontée ici

De la même manière, le hashtag #RechercheParis a permis de lancer des appels à témoins, relayés et amplifiés par les communautés, afin de retrouver la trace des personnes disparues.

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De manière émouvante, il est ensuite devenu un moyen de rendre hommage à ceux et à celles qui n’avaient pas survécu aux attaques.

En une nuit, les réseaux sociaux ont définitivement perdu ce qui leur restait encore d’innocence : ils ont fini de se mesurer à la violence du monde.

Ils ont aussi ouvert, pour le meilleur, un formidable espace public de services.
Ils ont aussi rendu à chacun une part de souveraineté, une capacité à agir, très directement et concrètement, pour le bien de tous.

(1) 

Twitter @Place_Beauvau 

Facebook /ministere.interieur 

Twitter @prefpolice 

Twitter @PNationale 

Twitter @Gendarmerie 

Twitter @Gouvernement 

Twitter @Elysee 

Elus, journalistes et communicants: comment passer de la défiance à la fabrication d’un nouvel esprit public ?

 

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Cosigné avec Thierry Wellhoff, Président de l’agence Wellcom et de Syntec Conseil en Relations Publics, mon article publié dans le 6ème numéro de l’excellente revue « Parole Publique »:

Les multiples visages de la défiance

 Les acteurs politiques, les journalistes et les communicants partagent aujourd’hui un privilège peu envié, celui de la défiance.

Leurs prises de parole, dans l’espace et le débat public, font l’objet d’une suspicion de principe. Que leur reproche-t-on ? De ne pas avoir « d’objectivité » et d’être de parti pris. De faire de la communication un outil de manipulation. De défendre, dans un mélange de cynisme et d’incompétence, de manière plus ou moins dissimulée, des intérêts partisans ou personnels.

Ces critiques ne sont pas seulement portées par l’opinion publique, elles sont aussi relayées par les acteurs politiques, les journalistes et les communicants eux-mêmes. Chaque « corporation » les utilise, à l’occasion, à l’encontre des autres groupes professionnels qui constituent pourtant ses partenaires fréquents.

Ainsi les élus ne manquent pas de s’emporter contre les médias accusés de déformer systématiquement le sens de leurs actions et le contenu de leurs paroles. De nombreux acteurs politiques disqualifient aussi le travail des communicants en le réduisant à des dispositifs de manipulation de l’opinion publique, déconnectés du sens et de la réalité des politiques menées. Ce qui n’empêche pas certains, de faire appel à des « spin doctors » afin de récolter justement les bénéfices, réels ou supposés, de ces techniques manipulatoires…

A leur tour, les médias sont prompts à transformer la vigilance critique en suspicion permanente. Les motivations et les buts des acteurs politiques peuvent ainsi être systématiquement réduits à des enjeux de pouvoir et d’intérêts personnels. De même,  à l’encontre des communicants, un procès est souvent instruit en subjectivité (valoriser le point de vue et les intérêts de son seul client) et en manipulation (pression et complaisance).

Ces critiques, qu’elles émanent d’une corporation ou de l’opinion publique, ne peuvent être balayées. Elles pointent des comportements réels. Mais il importe de les nuancer, parfois de les déconstruire, et de distinguer notamment les pratiques usuelles réglées par des déontologies et les dérives.

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L’entreprise et la marque au miroir de l’engagement / Tank n°8

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Mon article à lire dans le numéro de printemps de la revue Tank consacré à l’engagement.

L’entreprise et la marque au miroir de l’engagement

L’entreprise « engagée » est devenue aujourd’hui un lieu commun de la communication corporate. Comment les thèmes de l’engagement et de la responsabilité se sont-ils imposés au monde de l’entreprise ? Traduisent-ils une réelle prise en compte de l’intérêt général ou sont-ils de l’ordre de la manipulation et du calcul intéressé ? Que vaut aujourd’hui une réputation et comment se fabrique-t-elle à l’heure des médias sociaux ? Que désigne la marque lorsqu’elle devient « engageante » ?

 Pour les entreprises, l’engagement n’est plus aujourd’hui une possibilité stratégique ou une option ; il est devenu une nécessité. Ce sont désormais les modalités de cet engagement, les moyens de son expression, qui font débat au cœur des organisations.

Rapporté au monde de l’entreprise, l’engagement nait d’une « prise en compte ». Il réside d’abord dans la «  prise de conscience » que l’entreprise n’est pas un acteur isolé, exclusivement défini par une logique purement économique, réduite à la seule recherche du profit maximum.

Parce qu’elle s’insère dans un tissu de relations diverses, dans une société faite de rapports humains, culturels, politiques, juridiques, l’entreprise est fondamentalement placée dans un système relationnel auquel elle est appelée à participer. Cette participation active est une autre manière de désigner les logiques d’engagement.

Cette participation peut être subie ou choisie. Historiquement, les premières conquêtes sociales (par exemple l’organisation des systèmes de retraite et d’assurances) ont constitué autant de manière d’imposer à l’entreprise le devoir de s’engager au-delà de la seule production de richesses.

De manière croissante, au fil des rapports de force mais aussi des projets de réforme, l’entreprise joue un rôle social que l’on retrouve aujourd’hui traduit et amplifié dans l’expression « d’engagement citoyen ». Le terme même de « responsabilité » (sociale, environnementale) cristallise la prise en compte d’un écosystème dans lequel l’entreprise entend jouer un rôle positif.

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Luxe: La tentation chinoise / Tank n°7

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Le numéro 7 de la revue Tank est en kiosque !

Ce numéro a pour thème le Luxe:

Symbole de vanité et preuve de bon goût, marqueur social ambitionné et signe parfois excessif de richesse, aussi futile qu’indispensable, attirant que sélectif, le luxe porte en lui une dualité qui avait déjà vu s’affronter Voltaire et Rousseau en leur temps lumineux. Sans se risquer à l’arbitrage, TANK nous invite donc à mieux comprendre les leviers complexes qui font du luxe un secteur si à part, partagé entre exubérance, onirisme et savoir-faire. Au-delà du seul positionnement marketing, le luxe est aussi un secteur économique florissant qui parvient, avec brio, à faire coexister rareté, culture et logique industrielle. Après une étude des nouveaux usages, TANK nous accompagne enfin dans les ateliers des créateurs de ces produits d’exception et nous rappelle que, s’il est le terrain d’une lutte économique souvent âpre, le luxe n’en est pas moins un gardien de la tradition et du respect des valeurs d’excellence, d’exigence et de recherche de la perfection. Un univers de beauté qui n’est pas toujours fait de calme et de volupté. La rubrique Médias prolongele sujet en mettant en avant la créativité des campagnes publicitaires de luxe et en décryptant le phénomène Karl Lagerfeld, icone de la mode récemment transformée en marque à forte prédominance digitale. La parole est aussi donnée aux acteurs innovants des médias pour mieux nous aider à appréhender ses nombreuses mutations.TANK mène enfin l’enquête sur l’émergence du Co et de ses nombreux avatars et explore les moteurs de cette collaboration mais aussi ses succès, le mode de gouvernance qui se met en place et les limites d’un exercice parfois trop idéal pour s’avérer réellement honnête.

Vous lirez p70-71 un article que je consacre au croisement du luxe et de la Chine.

Voici la version longue de ce texte:

Luxe : la tentation chinoise

L’industrie du luxe continue à afficher une croissance à deux chiffres. Les moteurs de cette expansion sont à chercher essentiellement du côté des pays émergents. Au premier rang desquels se tient la Chine. Que représente aujourd’hui le marché chinois pour l’industrie du luxe ? Quelles sont les caractéristiques de ce marché ? Comment les marques parviennent-elles à s’implanter ? Quelle est la part prise par le tourisme et par les nouveaux modes de consommation ? Le luxe au miroir de la tentation chinoise…

 La tentation chinoise est d’abord celle d’un immense marché en croissance constante.  Aujourd’hui, la Chine, représente à elle seule le quart des achats mondiaux de luxe. Devant les américains, les chinois sont désormais les premiers consommateurs mondiaux de produits de luxe.

Cette consommation repose notamment sur l’existence de 960 000 millionnaires en Chine (dont la moyenne d’âge est de seulement 40 ans. Au-delà, l’émergence d’une importante classe moyenne supérieure est appelée à soutenir durablement la forte croissance du secteur du luxe. Ainsi 13 millions de ménages chinois ont aujourd’hui un revenu annuel compris entre 100 000 et 200 000 RMB (soit 12570€ et 25140€) et leur nombre devrait atteindre 76 millions dès 2015. Dans les 10 prochaines années, ce seront 260 millions de nouveaux consommateurs aisés qui deviendront notamment des acheteurs de produits de luxe.

 La clientèle chinoise est la plus jeune au monde, elle est masculine à 55%. Les produits de luxe constituent des marqueurs sociaux et des signes de distinction. L’acquisition de montres de luxe représente d’ailleurs un quart des achats. A ce titre, les marques internationales capitalisent sur leur notoriété.

Néanmoins une tendance plus récente voit l’émergence de marques chinoises qui ont aussi les faveurs de la jeune clientèle « branchée » : la grande enseigne « Shanghai Tang », la créatrice de mode Uma Wang, les mobiles haut de gamme Xiaomi ou encore la marque de beauté Yue Sai sont désormais des acteurs majeurs du marché.

 Les grandes marques internationales doivent de toute façon s’adapter aux besoins et aux désirs variés de ces nouveaux consommateurs. Non seulement les produits développés pour les marchés matures ne sont pas nécessairement adaptés mais en plus la catégorie de « pays émergents » ne désigne pas non plus un ensemble homogène : les spécificités historiques et culturelles sont fortes et elles contraignent les marques à un double travail d’adaptation et d’innovation.

Cela est particulièrement sensible pour l’industrie de la beauté. Ainsi en Chine les soins de la peau – au détriment des parfums et du maquillage – concentrent l’essentiel de la consommation beauté des femmes et, dans une moindre mesure, des hommes citadins. La pureté de la peau, la luminosité et l’homogénéité du teint, sont historiquement et culturellement des signes de santé, de beauté et de raffinement. Le soin lui-même est associé à une pratique d’harmonie et les rituels de beauté s’apparentent à des cérémoniaux codifiés. Modernité et tradition se mêlent puisque les ingrédients naturels et les mélanges « maison » – à l’image de la millénaire poudre de perle d’eau ou encore de l’eau de riz pour les cheveux – sont appliqués en lien avec des produits de soin modernes issus du travail de recherche et d’innovation des marques.

Pour son soin « Énergie de Vie », Lancôme est ainsi aller puiser dans les ingrédients utilisés par la médecine traditionnelle chinoise : extraits de racines de rhodiola, de gentiane et d’igname sauvage entrent dans la formule de la lotion et de la crème.

Pour autant, si l’adaptation aux spécificités est indispensable, elle ne peut pas non plus occulter  l’existence d’une logique de convergence. En ce sens, Hong Kong, au croisement de l’identité chinoise et de l’exposition occidentale, constitue une vitrine avancée de la progressive harmonisation des marchés chinois et mondial.

La tentation chinoise qui lie aujourd’hui les destins de l’industrie du luxe et de la Chine ne doit pas non plus s’entendre dans une stricte logique territoriale. Le marché chinois est un marché qui ne peut être appréhendé en ignorant l’importance prise par le tourisme, qu’il soit lié aux loisirs ou aux déplacements professionnels. Lire la suite

Tank n°7 – « Hasard + Big-Data = l’équation impossible ? » – Entretien avec Thibaut Munier, Directeur Général de 1000mercis

Tank_LuxeLe 13 décembre sort le numéro 7 de l’excellente revue Tank, initiée et animée par Olivier Breton et Pascal Beria.

En avant-première, je vous propose de découvrir la version longue d’un entretien (publié p.18 et p.19) que j’ai réalisé avec Thibaut Munier, le Directeur Général de 1000mercis.

Où il est question de Big-Data et de Sérendipité …

Big data et data mining sont aujourd’hui au cœur du champ publicitaire et des pratiques marketing. Que se cache t-il derrière la désormais toute-puissance des données ? Quelles sont les problématiques liées à leur collecte, à leur analyse et à leur exploitation ? Face à la prédictibilité grandissante des comportements et des préférences, que reste-t-il de la sérendipité, de notre goût pour les rencontres fortuites et inattendues ?

1) Dans le champ publicitaire et marketing, les notions de «Data mining » et de « Big data » sont aujourd’hui omniprésentes. Que désignent ces termes ?

 Ces termes désignent d’abord un nouveau type de données. Ainsi les données issues de l’utilisation des réseaux sociaux constituent des données non structurées. Ces données sociales correspondent aux interactions des internautes entre eux et avec les marques. Elles peuvent par exemple prendre la forme de commentaires ou de posts et elles constituent alors un verbatim des conversations.

Autre exemple, les données de navigation. On peut désormais, avec le recueil du consentement des internautes, enregistrer une partie de leur parcours de navigation sur les sites. Ces données pourront ensuite être exploitées par les annonceurs.

Ces données, de type comportemental, sont de plus en plus massives. Le terme même de Big data désigne l’importance du corpus des informations recueillies. A la différence des données déclaratives, ces données de navigation sont extrêmement variées (le temps de navigation sur un site, les pages visitées, les liens cliqués…) et volumiques. Il faudra d’ailleurs savoir les traiter en suite.

Cette production d’informations constitue un événement en soi car notre société, avec ses moyens technologiques, n’a jamais autant produit de données.

2) Concrètement comment s’effectue la collecte des données ? 

Il y a de nombreuses formes différentes de collecte. Par exemple, la navigation sur un site, sous réserve de l’accord de l’internaute, donne une occasion d’échange et de suivi d’informations via notamment la mise en place de cookies. L’enregistrement de ces données doit permettre d’optimiser la navigation future de l’internaute en améliorant les liens qui lui sont proposés.

Cela dit, chaque environnement pose des problèmes techniques et juridiques de collecte. La perception des techniques de collecte par l’internaute et les conditions de recueil du consentement de collecte des données constituent des sujets particulièrement sensibles. 

3) Quels sont les enjeux pour les marques ?

Les marques envoient beaucoup de messages en direction de leurs clients présents ou potentiels. Or il y a une déperdition importante non seulement quantitative mais aussi qualitative. Les internautes ont souvent un sentiment d’envahissement, d’une fréquence excessive des sollicitations ou encore de l’inadéquation de ces messages avec leurs attentes.

Il s’agit donc pour les marques d’être plus intelligentes, de savoir tirer partie de ces grands volumes d’informations et de leur richesse en terme de contenu. Beaucoup de données ne sont pas utilisées ou sont collectées de façon inutile ; l’enjeu principal est donc de savoir les traiter, les utiliser afin de mieux comprendre les comportements et les attentes des clients, de mieux communiquer avec eux. L’objectif est d’apporter au consommateur ce qu’il attend, à savoir un meilleur service et le moins de désagrément possible.

Au-delà d’ailleurs des bénéfices immédiats liés à une meilleure connaissance, l’enjeu est aussi de créer une différenciation, de se distinguer de ses concurrents par la qualité de la relation que l’on aura su nouer avec ses publics.

4) Y a-t-il un bénéfice évident pour l’usager ? Quels exemples peut on donner d’un bénéfice utilisateur ?

Malheureusement ce sont plutôt les exemples de désagrément qui s’imposent. Trop souvent, les usagers sont envahis de sollicitations qui ne sont pas au cœur de leurs préoccupations. C’est compliqué pour les marques de collecter toutes les informations qu’elles ont le droit d’utiliser, qui leur seront utiles et qui, in fine, leur permettront de tirer un surcroit de valeur perçu par le consommateur.

De là les interrogations à propos de ce qu’il est légitime de demander, de collecter, à propos de ce qui fait sens ou pas. Il faut aider les marques à être plus intelligentes et leur permettre ainsi de se distinguer. Le directeur d’un grand distributeur américain disait : « Je sais que je gaspille la moitié de mon budget marketing, le problème c’est que je ne sais pas quelle moitié ».

C’est encore très vrai aujourd’hui. Il y a un gaspillage formidable, souvent contre-productif et générateur de désagréments.

5) Les modalités d’extraction des données sur les réseaux sociaux (en particulier Facebook) sont aujourd’hui contestées qu’en pensez-vous ? La peur d’un système de surveillance numérique généralisé est-elle légitime selon vous ?

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La revanche du contenu

Il y a des apparences qui ont la vie dure. La multiplication des canaux de communication, médias digitaux et sociaux en tête, est souvent perçue comme une simple multiplication des moyens permettant aux marques de toucher leurs cibles.

La tentation est alors grande de réduire le message à sa plus simple expression en ne s’attachant qu’à sa déclinaison technique à travers un ensemble de canaux conçus comme de purs outils. Seule compte alors la stratégie de moyens à travers laquelle on empile les différents médias perçus comme des vecteurs devant toucher des cibles par définition passives et par nature prêtes à être impactées.

Or plus rien de cette épure mécanique ne fonctionne aujourd’hui. Sa conception de l’efficacité est caduque. Elle ne correspond en rien à l’écosystème au sein duquel se construisent désormais les relations aux marques.

A la racine, la notion même de « message » vacille. Idem pour les concepts de « canal » et de « cible ». Toutes ces catégories ont en commun un modèle vertical dans lequel un émetteur actif soumet un récepteur passif à travers des outils conçus comme de simples courroies de transmission.

Or désormais, parce que la révolution numérique décuple ses possibilités de choix et d’action, l’individu, plus que jamais acteur, est rétif à toute intrusion et manipulation. Il désire construire activement son expérience de marque. Il est désormais co-producteur des relations à travers lesquelles il se définit, se déploie et se singularise.

Les marques n’ont donc plus à fabriquer des messages mais bien à créer du contenu. C’est-à-dire à créer un univers de marque rendu désirable par sa valeur d’usage, entendue au sens le plus large d’un bénéfice perçu et vécu. Un univers tel que l’individu soit prêt à l’engagement et décide de tisser des relations, de vivre avec la marque.

Ces contenus, qui sont immédiatement des bénéfices pour un « usager », peuvent s’entendre aussi bien comme des services, comme du divertissement ou plus symboliquement comme générant de la satisfaction et du plaisir mais aussi de la distinction. Dans tous les cas, conséquence de ce « bénéfice du contenu », ce n’est plus la marque qui s’impose à l’individu mais bien l’individu qui choisit la marque.

Le développement du brand content et du brand entertainment ne signifie rien d’autre que la montée en puissance d’un impératif créatif : construire un univers de marque capable de susciter du désir.

Cette revanche du contenu disqualifie également les idées de neutralité du « canal » et de préexistence du « message ». La communication digitale a multiplié les modes d’expression tout en renforçant leur singularité. On ne peut plus décliner-dupliquer une campagne sur des médias qui seraient presque interchangeables et seulement privilégiés en fonction d’une pure stratégie de moyens. Un site n’est pas la déclinaison numérique de l’univers print d’une marque, la viralité d’une vidéo n’est pas immédiatement inscrite dans la réalisation d’un spot tv, l’animation d’un média social n’est pas un simple avatar de la relation clients.

Plus que jamais, le contenu est solidaire de sa forme d’expression. Il s’agit donc de créer un univers de marque en partant non de l’unicité d’un message, a priori et abstrait, mais bien plutôt de la multiplicité des formes d’expression. C’est en plongeant dans les codes et l’économie interne de chacun de ces médias, en acceptant l’aventure de la création, la pluralité des contenus, que les marques créeront des univers attractifs et seront désormais choisies.

Qui l’aurait cru ? Irriguée par les nouvelles technologies, la communication tourne le dos à la pauvreté d’une simple technique pour devenir le catalyseur d’une création continue de contenus partagés.

Jean-François PASCAL

Communication et publicité: l’art contemporain à la mode

« Histoire du gros Lapin », 2008, installation et video, courtesy Galerie Paradis

« Histoire du gros Lapin », 2008, installation et video, courtesy Galerie Paradis

Le succès à l’étranger de galeristes français comme Emmanuel Perrotin ou de la Fiac à Paris témoignent de l’engouement pour l’art contemporain. Les marques s’y intéressent à leur tour, non sans risques.

Stratégies Magazine n°1741

Le 17 septembre, Emmanuel Perrotin inaugurait avec faste l’ouverture de sa galerie à New York, sur Madison Avenue. Entre homard et caviar, l’arrivée du marchand d’art français n’est pas passée inaperçue. Le soir même, une fête géante avait lieu au Russian Tea Room avec les artistes «maison» Daniel Arsham, Johan Creten, Jean-Michel Othoniel ou JR, tous se prêtant au jeu d’un stand artistique animé le temps d’un«art carnival».

A Big Apple, il fallait voir grand. «New York est et reste une place forte de l’art, souligne Peggy Leboeuf, directrice de la galerie new yorkaise (lire l’interview). Les artistes et les commissaires d’exposition y passent, y restent, faisant de cette ville un lieu d’émulation et de création artistique unique. D’où l’importance d’être sur place.» Un pari pas gagné d’avance car Emmanuel Perrotin vient ici se frotter aux grandes galeries locales comme Gagosian.

Mais, même à Paris, alors que la quarantième édition de la Fiac démarre le 24 octobre à Paris, au Grand Palais, c’est encore la première exposition new yorkaise d’Emmanuel Perrotin (les ours en plumes fluorescentes de l’artiste italienne Paola Pivi) qui fait la couverture de Beaux-Arts magazine spécial Fiac. Une visibilité médiatique non négligeable, la foire parisienne étant plus que jamais internationale, avec 70% de galeries étrangères, les Etats-Unis en tête.

Le succès d’Emmanuel Perrotin est révélateur d’un art contemporain devenu plus démocratique, plus décomplexé et plus que jamais tendance. Et logiquement, celui-ci attire comme un aimant de plus en plus de marques.

De leur hall d’entreprise à leur dernier produit, nombreuses sont les entreprises qui cherchent à s’afficher dans ce domaine artistique. Et dans ce but, un ticket de sponsor à la Fiac est une aubaine pour s’offrir une visibilité rapide. Résultat, la foire compte, cette année, plus de trente partenaires privés avec le groupe Galeries Lafayette sur la première marche.

Une source d’inspiration pour l’artiste

Mais, surtout pas de jaloux, les sept «off» de la Fiac ont également de beaux arguments. Parmi eux, Cutlog, fondé par Bruno Hadjadj, et qui attire des partenaires tels que Château de Chaintres, Nicolas Feuillatte, Montblanc, Arte… La foire s’est d’ailleurs, elle aussi, lancée cette année à New York. Autre intérêt, Cutlog propose un festival du film d’artiste, très couru des créatifs publicitaires…

Rien d’étonnant, la communication et la publicité a toujours puisé dans l’art. Et Emmanuel Perrotin a été pionnier dans le mélange artistes et marques, comme Takashi Murakami et Louis Vuitton ou Wim Delvoye et Coca-Cola. Prochainement, les œuvres de son artiste Xavier Veilhan se retrouveront au centre d’un clip musical du groupe Tristesse contemporaine réalisé par Guillaume Cagniard (prod. Standard).

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