Il y a des apparences qui ont la vie dure. La multiplication des canaux de communication, médias digitaux et sociaux en tête, est souvent perçue comme une simple multiplication des moyens permettant aux marques de toucher leurs cibles.
La tentation est alors grande de réduire le message à sa plus simple expression en ne s’attachant qu’à sa déclinaison technique à travers un ensemble de canaux conçus comme de purs outils. Seule compte alors la stratégie de moyens à travers laquelle on empile les différents médias perçus comme des vecteurs devant toucher des cibles par définition passives et par nature prêtes à être impactées.
Or plus rien de cette épure mécanique ne fonctionne aujourd’hui. Sa conception de l’efficacité est caduque. Elle ne correspond en rien à l’écosystème au sein duquel se construisent désormais les relations aux marques.
A la racine, la notion même de « message » vacille. Idem pour les concepts de « canal » et de « cible ». Toutes ces catégories ont en commun un modèle vertical dans lequel un émetteur actif soumet un récepteur passif à travers des outils conçus comme de simples courroies de transmission.
Or désormais, parce que la révolution numérique décuple ses possibilités de choix et d’action, l’individu, plus que jamais acteur, est rétif à toute intrusion et manipulation. Il désire construire activement son expérience de marque. Il est désormais co-producteur des relations à travers lesquelles il se définit, se déploie et se singularise.
Les marques n’ont donc plus à fabriquer des messages mais bien à créer du contenu. C’est-à-dire à créer un univers de marque rendu désirable par sa valeur d’usage, entendue au sens le plus large d’un bénéfice perçu et vécu. Un univers tel que l’individu soit prêt à l’engagement et décide de tisser des relations, de vivre avec la marque.
Ces contenus, qui sont immédiatement des bénéfices pour un « usager », peuvent s’entendre aussi bien comme des services, comme du divertissement ou plus symboliquement comme générant de la satisfaction et du plaisir mais aussi de la distinction. Dans tous les cas, conséquence de ce « bénéfice du contenu », ce n’est plus la marque qui s’impose à l’individu mais bien l’individu qui choisit la marque.
Le développement du brand content et du brand entertainment ne signifie rien d’autre que la montée en puissance d’un impératif créatif : construire un univers de marque capable de susciter du désir.
Cette revanche du contenu disqualifie également les idées de neutralité du « canal » et de préexistence du « message ». La communication digitale a multiplié les modes d’expression tout en renforçant leur singularité. On ne peut plus décliner-dupliquer une campagne sur des médias qui seraient presque interchangeables et seulement privilégiés en fonction d’une pure stratégie de moyens. Un site n’est pas la déclinaison numérique de l’univers print d’une marque, la viralité d’une vidéo n’est pas immédiatement inscrite dans la réalisation d’un spot tv, l’animation d’un média social n’est pas un simple avatar de la relation clients.
Plus que jamais, le contenu est solidaire de sa forme d’expression. Il s’agit donc de créer un univers de marque en partant non de l’unicité d’un message, a priori et abstrait, mais bien plutôt de la multiplicité des formes d’expression. C’est en plongeant dans les codes et l’économie interne de chacun de ces médias, en acceptant l’aventure de la création, la pluralité des contenus, que les marques créeront des univers attractifs et seront désormais choisies.
Qui l’aurait cru ? Irriguée par les nouvelles technologies, la communication tourne le dos à la pauvreté d’une simple technique pour devenir le catalyseur d’une création continue de contenus partagés.
Jean-François PASCAL